F.
Je reconnais sa silhouette d'assez loin et le doute s'efface. Je ne m'attendais pas à le trouver ici. Que ce soit lui qui vienne me chercher. Lui que je n'ai pas revu depuis presque dix ans. Lui qui s'est refermé.
F.
Ca doit faire... près de dix ans je pense.
(Il découpe bien les mots et parle calmement.)
Moi.
Oui... (silence) Dix ans, ça se rattrape.
F.
Oui.
C'est aussi lui qui me ramène à la gare. On est déjà presque aussi proche qu'avant. Avec des regards moins insouciants. Des yeux qui cherchent quelque chose en l'autre. Sans trop savoir quoi. Peut-être pourquoi il nous est cher? Les minutes me semblent interminables avant que la porte ne se referme. Où que je pose mes yeux je ne sens que sa présence. Je voudrais qu'il parte parce qu'il est trop tard pour ajouter quoi que ce soit. Il est une étrange masse de chair poussiéreuse. Fatiguée et sereine à la fois. Mal pourtant. Ermite à sa façon. Ouvert et replié. Guide mort en compagnon retrouvé. De marche et de regard. D'interrogation et d'enthousiasme, même si le sien est mélancoliquement poli comme un bout de verre sur la plage.