"Post coitum animal triste"
C'est aussi le titre d'un film. De Brigitte Roüan.
C'est
l'histoire d'une femme d'âge mure, bourgeoise, mariée à un avocat. Elle
a deux enfants qui doivent être au collège. Travail dans l'édition.
Cette femme a le désir à fleur de peau...un désir qui fait mal. Elle se
laisse tomber à corps perdu dans une relation avec un homme...jeune,
beau, vigoureux, charnel...elle s'y laisse couler sans précautions,
elle oublit tout, elle renait comme au premier amour, elle vit cette
relation avec passion. Elle s'y brûle...le corps comme l'esprit. Le
mari n'a pas trop de mal à découvrir qu'elle le trompe. Mais cela la
laisse aveugle. C'est quand son amant la délaisse soudain sans
explication...parce qu'il se lasse...que sa vie va réellement flirter
avec les âbimes. Elle perd les pédales. Elle perd goût à tout. Elle
devient spectatrice molle et absente de sa vie et du monde. Elle boit,
perd son boulot, perd son mari, perd sa dignité devant ses enfants. La
remontée se fera. Elle se fait peut-être un peu vite dans le film.
Quoique. C'est un jeune écrivain qu'elle a longtemps soutenu et qui au
jour ou il accouche enfin de son livre se tourne vers elle pour la
remercier. Il l'emmène en croisière. Il la pousse à sortir du néant
dont elle s'habille. Le rire viendra remplacer un jour l'obscurité. Et
le film se termine sur une chutte. Les voilà au sommet de la falaise
d'ou s'est un jour lointain jettée Sapho. Sapho n'y réchappe pas mais
la légende dit qu'Appolon décida alors que toute femme qui se jetterais
de ce lieu par chagrin d'amour ne périrait plus, et serait en outre
lavée de ses peines. C'est cette fin que le film nous donne à voir. La
chutte. La chutte dans la vie. La renaissance.
L'histoire est
certes très classique. Mais le film est beau parce que l'actrice, qui
est la réalisatrice, Brigitte Roüan, exprime à merveille la spontanéité
et la force insouciante et aveugle de la passion amoureuse...des appels
que peut éprouver le corps. Ce n'est pas tant l'histoire qui compte que
de transcrire, de laisser transpirer, il me semble, toute cette réalité
humaine là.
Cette sensualité, cet appel du corps me parlent. Il
y a dans le personnage que campe Brigitte R. un côté animal certain.
Elle le souligne d'ailleurs par le parallèle audacieux que fait la
caméra dans les tous premiers plans, qui montrent tantôt la femme qui
se tortille sur son lit, tantôt une chatte en chaleur qui se roule sur
la moquette... Hé bien oui. Pourquoi refuserait-on cette réalité là? Il
ya quelques années j'aurais sans doute trouvé cela un peu choquant.
Maintenant non. Par contre je pense que si l'on étouffe en soi cette
émotion, cette sensibilité primaire du corps, on ne peut pas trouver de
sens au film. Il doit parraitre ridicule. Je crois qu'il ne l'est pas.
Et l'existence et la façon dont sont reçus de tels films prouve que
cette réalité trouve une place chez un nombre croissant de personnes.
Le
film se refuse d'ailleurs, ce qui me plait, à juger vraiment la
conduite de cette femme. Ce n'est pas le sujet du film. Le sujet est à
mon sens bien plus: comment la réalité de ce désir peut interfèrer avec
les cheminements des êtres humains dans la vie.
Le vide dans
lequel se retrouve cette femme trouve aussi beaucoup d'echo en moi. Ce
vide, cette égarement, ce sont un peu ceux que je vis en ce moment, par
intermittence. C'est impressionnant de voir comme un être humain
peut-être soudain abbatu et sans vie, complètement dépassé par
l'absence de ce qu'il veut...l'abscence de quelque chose qui le
porte...l'abscence de ce qu'il veut le voir porter. Parce que d'autre
trouvent de quoi se tenir debout avec ce qu'elle a. Mais ce qu'elle
veut est autre. Etre traversée par ce courrant chaud de vie.
J'aime
aussi la fin. Tout d'abord parce que oui...on se relève. C'est aussi
une réalité de la vie. Pas toujours, plus ou moins blessé. Mais en
général on se relève. On quitte un jour notre vêtement de renoncement
et on se laisse caresser de nouveau par la vie. Comme le dit Brigitte
Roüan dans un entretient qui suit...ça ne sert à rien de souffrir.
C'est orgueilleux. Quelque part, oui, c'est vrai. Parfois je le vis
vraiment ainsi. La souffrance est parfois, il me semble, presque un
objet que l'on s'inflige, dont on se part, mais qui n'et pas réellement
authentique. C'est un peu comme les enfants qui tombent et se mettent à
pleurer. C'est un réflex, certes. Mais certains enfants s'arrêtent net.
Se relèvent. Repartent. Oui...parfois la souffrance, on est maitre de
l'arrêter. Elle est presque un choix. Souvent on ne la domine pas
assez, et on s'ahbitue à elle, on ne l'interroge plus. Elle n'a pour
moi de sens qu'en tant que transition. Comme lit temporel sur lequel
reposer une mutation. Une renaissance.
Renaitre. J'aime cette image de la chutte qui est renaissance. Se jetter vers la vie. Osons vivre. Vivons.